2020
réalisé par: Gerard Bush, Christopher Renz
avec: Janelle Monáe, Eric Lange, Jena Malone
Black Lives Matter. Trois simples mots qui à eux seuls suffisent à résumer le climat explosif qui règne aux USA en ce moment. D’un côté la population afro-américaine (et heureusement de nombreux soutiens de toutes les couleurs de peau) qui lutte pour plus de justice sociale, de l’autre toute une partie franchement réac’ des habitants du pays de l’oncle Sam. Alors qu’il y a encore quelques années presque aucun européen ne se serait senti concerné par cette actualité, l’humanité a évolué et chacun est devenu un citoyen du monde à part entière, concerné par les problèmes qui apparaissent à l’autre bout du globe. C’est dans cette atmosphère anxiogène que débarque sur les écrans “Antebellum”, un film d’horreur qui entend lui aussi amener sa pierre à l’édifice du combat pour l’égalité.
Veronica Henley (Janelle Monàe) est une auteure à succès noire qui partage son temps entre sa vie de mère et le combat contre le racisme. À la suite d’une conférence, elle va être enlevée, endormie et se réveiller au milieu d’une plantation de coton typique du sud des États-Unis du temps de la guerre de Sécession, réduite en esclavage par des soldats confédérés qui rappellent les pires heures de l’Histoire américaine, comme si Veronica avait voyagé dans le temps.
Une thématique particulièrement délicate donc, scénarisée et mise en scène par le duo Gerard Bush / Christopher Renz. Derrière leur scénario intriguant, on retrouve un langage cinématique simple et clair mais relativement efficace: une réalisation un poil classique mais qui trouve du souffle dans quelques scènes iconiques fortes et dans un découpage astucieux qui sépare monde moderne et temps de l’esclavage pour mieux les comparer.
Là où le tandem va faire mouche, c’est surtout dans les quelques symboles forts qui font écho à l’affreuse actualité qu’on exposait en introduction. On pense notamment aux statues des généraux confédérés qu’on aperçoit et qui trônent encore aujourd’hui aux USA, à un téléphone portable qui sert d’outil dans la réalité pour exposer les violences policières racistes et qui va ici servir de moteur à l’intrigue, mais également à la privation de la parole et au changement de nom imposé aux esclaves alors que l’un des slogans des manifestations actuelles est “Say their names”. Pas forcément subtil mais efficace.
« The Roof is on Fire »
Pour appuyer la mise en images, la bande-originale du film va faire écho au côté épique de ce film d’horreur. Une OST signée Roman GianArthur et Nate Wonder en accord parfait avec le long-métrage et qui offre une ambiance toute particulière à certaines scènes. Un aspect de l’oeuvre qui nous a fortement séduit.
« Antebellum” cristallise donc fortement l’ambiance actuelle aux États-Unis alors que son personnage principal fait face à une inégalité double: celle d’être à la fois noire et femme. Plutôt intelligent de la part des réalisateurs qui ne se contentent pas du minimum et mettent carrément les pieds dans le plat. En imposant ce protagoniste comme une battante, ils justifient même plusieurs rebondissements: Veronica ne lâche jamais le morceau mais attend patiemment son heure pour frapper.
Ce personnage, il est surtout efficace car l’interprétation de Janelle Monàe est exemplaire. L’actrice prend ce rôle à bras-le-corps et livre une prestation qui marque les esprits. La violence est partout dans “Antebellum” et la résilience de ce personnage conjuguée avec le talent de la comédienne force l’admiration malgré une partition parfois imparfaite.
Car le film va comporter de nombreux défauts, en premier lieu desquels un côté franchement caricatural. C’est tout particulièrement ressenti dans la partie “moderne” de l’œuvre qui accumule les clichés parfois franchement limites. Une écriture bâclée, pleine de raccourcis qui plombent une bonne moitié du long-métrage. On a par exemple détesté la meilleure amie de Veronica qui semble tellement grotesque qu’elle en deviendrait presque elle-même une représentation un peu raciste des femmes noires. Un comble pour un film dont le message est à l’opposé de ces relents haineux.
Mais ce qui nous a le plus dérangé, c’est la façon dont “Antebellum” va venir chasser sur les terres de Jordan Peele avec beaucoup moins de talent. Bien sûr, le réalisateur n’a pas le monopole de la lutte contre le racisme, mais en estampillant un fier “par les producteurs de “Get Out” et “Us”” dans la bande annonce, le film se retrouve forcément comparé à ses illustres ancêtres par sa propre faute. Tout particulièrement à “Get Out” qui revenait sur cette problématique de l’esclavage. Forcé de constater que le bébé de Jordan Peele était à la fois mieux écrit et mieux mis en images que ce que “Antebellum” peine à faire.
“Antebellum” souffre donc de quelques défauts pénalisants et d’une comparaison qui ne lui fait pas honneur. Si on se joint volontiers à son message, on regrette quelques écueils qui font du long-métrage une œuvre somme toute moyenne.