Signes

(Signs)

2002

de: M. Night Shyamalan

avec: Mel GibsonJoaquin PhoenixRory Culkin

« Cher Réfracteurs,

J’adore ce film, sa photographie, son casting et le poids sur les épaules de Gibson, et vous?”

Guillaume

C’est fascinant le souvenir qu’on garde des choses. Prenons Shyamalan par exemple. On débattait il n’y a pas si longtemps entre nous de nos plus grandes frousses au cinéma, et Oracle a semblé interloquée lorsque moi-même, votre humble serviteur Spike, a évoqué “Sixième sens”. Impossible de l’oublier: relativement jeune à l’époque, j’avais fini la séance recroquevillé dans mon siège, terrorisé. Peut-être étais-je déjà plus sensible à l’horreur suggérée qu’étalée. Quelques années plus tard, légèrement plus vieux, “Signes” n’en reste pas moins un souvenir de séance terrifiant, en une seule scène qu’on ne dévoilera pas et qui m’a complètement empêché de dormir. Fin de l’aparté. 

À l’époque, Shyamalan c’est un peu la crème de la crème pour les geeks, assez ouvertement. Après deux films qui avaient affirmé sa science du rebondissement, le cinéaste renouait avec l’horreur suite à son hommage aux comics que fut “Incassable”. Dans “Signes” on retrouvait donc une famille américaine relativement commune, mais fraîchement endeuillée par la mort de la mère. Chaque membre lutte à sa façon pour garder la tête hors de l’eau, avec entre autres un tout jeune Joaquin Phoenix en oncle sympa, et surtout Mel Gibson en révérend défroqué depuis le funeste accident. Quand un jour d’étranges “Crop Circles” et toutes sortes de manifestations paranormales témoignent d’une invasion extraterrestre probable, la famille va lutter pour sa survie.

Si on resitue la popularité de Shyamalan au moment de “Signes”, c’est parce que le réalisateur va commettre quelques grosses erreurs avec ce film, dont la plus impardonnable sera celle qui condamnera le reste de sa carrière: s’enfermer dans des gimmicks à la façon de ses cliffhangers finaux devenus tellement attendus chez Shyamalan qu’ils ne fonctionnent plus du tout.

« Ou alors une assiette géante… »

« Signes” c’est un peu comme un type qui vous raconterait une blague, en vous survendant la fin. Probablement coupable d’avoir trop dit “oui” aux producteurs, Shyamalan impose des rebondissements soit téléphonés, soit absurdes, à de trop nombreuses reprises. En résulte un divertissement un peu difforme, aussi prenant qu’agaçant. Mais quelle bonne suggestion que ce long-métrage! Parce que le revoir aujourd’hui, en n’attendant plus rien de Shyamalan, c’est redécouvrir son propos et son intention première.

On vous le redit, nous étions jeunes et con, mais cette famille désunie par le deuil qui va devoir retrouver une identité pour ne pas disparaître, on avait pour le moins raté sa symbolique. “Signes” affirme quelque chose d’assez profond au second niveau de lecture sur la perte d’un être cher. Certes, on verra toujours des ahuris dans ces personnages mais en creusant un peu, on comprend.

La psychose ambiante du film traduit aussi des choses fondamentales sur l’Amérique. Dans ce cadre purement rural, et à plus fortes raisons dans un pays qui s’est un jour fait prendre au piège d’un canular radiophonique autour d’une lecture de “La guerre des mondes”, le repli sur elle-même de cette famille face à l’inconnu interroge. “Signes” est un bon survival, Mel Gibson incarne bien son rôle (c’est pas toujours le cas) et le long-métrage est parfaitement enrobé dans une excellente photo (comme tu le disais Guillaume) avec de très chouettes plans aériens. Mais est-ce le seul message du film?

Que pensez de ce retour du mysticisme à la fin? Comment vous expliquez le paranormal, vous spectateurs? Chez Les Réfracteurs, on est plutôt des pragmatiques et on a du mal à croire à l’invisible, mais même avec ce prisme, le film semble pertinent. Pour la dernière fois, on était jeune et con, et Shyamalan est sûrement coupable d’avoir trop maquillé son sujet, mais a-t-on de bonnes raisons de s’identifier à cette famille? Et là,  on va vous orienter vers l’épisode de Chroma consacré à “Signes”, de l’excellent Karim Debbache. Sa théorie est fantastique: mais au fait, ils sont méchants ces extraterrestres? Rien ne permet de l’affirmer, ils seraient même tout sauf belliqueux à y regarder de plus près.

Et si malgré ses défauts, “Signes” avait réussi son plus beau pari: faire admettre à tout le monde le caractère mauvais d’un personnage simplement avec une grammaire cinématographique qui s’y prête, mais sans preuve concrète? Et toi Guillaume, qui est assurément quelqu’un d’ouvert sur les différences, as-tu seulement chercher à comprendre ce pauvre E.T.? La plus belle des ruses du diable est de vous convaincre qu’il n’existe pas.

Nicolas Marquis

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