7h58 ce samedi là
7h58 ce samedi là affiche

(Before the Devil Knows You’re Dead)

2007

Réalisé par: Sidney Lumet

Avec: Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Albert Finney

Film vu par nos propres moyens

ATTENTION : CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS

Comment conclure sa filmographie ? Si certains ont la chance de choisir leur sortie, nombreux sont les metteurs en scène qui voient leur œuvre subir un point final à l’appel de la mort. Véritable boulimique de cinéma, comme vous avez pu le voir dans ce riche mois sur le site, Sidney Lumet n’échappe malheureusement pas à cette funeste règle. Et si la faucheuse nous l’enlèvera en 2011, c’est bien en 2007 que nous, spectateurs, avons pu contempler ce qui restera comme sa dernière réalisation 7h58 ce samedi-là (Before the Devil Knows You’re Dead en VO, ce qui est assez ironique).

7h58 ce samedi là illu 1

Pourtant, rien ne préfigure 7h58 ce samedi-là à conclure la gigantesque filmographie de son metteur en scène. Terreau d’innovations pour Lumet, notamment avec l’utilisation des caméras numériques, le film est l’occasion, partant d’un postulat somme toute classique, de développer une œuvre dans la pure veine lumetienne. Deux frères, campés par les exceptionnels Philip Seymour Hoffman et Ethan Hawke, ont d’importants problèmes financiers, et décident de braquer la bijouterie familiale. On retrouve là un motif récurrent du new-yorkais : mais quand braquage et famille rimaient avec comédie dans Family Business, le traitement est ici bien plus dramatique. 7h58 ce samedi-là, un titre français comme l’instant d’un tournis, le moment où une vie bascule. Construit (et habilement monté) comme une histoire de destins croisés, le film est l’occasion pour Lumet de tisser une toile autour du remords, du mensonge et de la culpabilité, qui (hasard du destin?) fait parfois écho à l’oeuvre originelle du réalisateur, 12 hommes en colère.

En effet, si son premier film était entouré d’une aura morale de rédemption et du pardon, nous avons là une forme de revers de la médaille. Before the Devil Knows You’re Dead donc, comme une fresque apocalyptique où le diable se niche dans les détails d’existences qui basculent en une fraction de seconde. On l’a dit, le motif est connu de Lumet : mais on trouve ici une spirale infernale, une descente aux enfers éprise d’une violence incessante et étouffante presque unique chez le cinéaste. Il ne laisse ni à ses personnages ni à ses spectateurs de répit ; si 12 hommes en colère était un film de paroles, il se dresse ici devant nous une œuvre d’actions, où les retranchements seront explorés comme une forme de punition divine. 

7h58 ce samedi là illu 2

Vision pessimiste et méprisante de Lumet, 7h58 ce samedi-là est l’occasion pour ce dernier d’explorer sa mise en scène. Nerveuse et inventive, celle-ci surprend à chaque scène, tant elle sort du moule préconçu du genre pour offrir un plaisir cinématographique à chaque scène. D’une banale série B initiale, le réalisateur développe tout son art de la nuance imperceptible (que l’on croyait évaporée ses dernières années), de la virtuosité de plans séquences au minimalisme de dialogues charnières. Dans son lumineux crépuscule, 7h58 ce samedi-là constitue un ultime soubresaut, rendant nostalgique les fans de la première heure.

7h58 ce samedi là illu 3


Cette envolée diabolique était-elle pour Lumet la paraphe d’une riche carrière ? Si le destin en a décidé autrement, le film trouve pourtant pleinement sa place, dans la forme comme dans le fond, dans l’ensemble. Lumet ouvrait sa filmographie sur la sortie symbolique d’un homme du couloir de la mort ; la conclusion, elle, trouvera place, funeste fermeture, dans un couloir d’hôpital après la mort. Ultime tragédie d’une filmographie qui n’aura eu de cesse de jouer sur les limites de celle-ci, 7h58 ce samedi-là est une divine surprise, celle d’un artiste qui aura su partir d’un cadre commun pour nous surprendre. Peut-être est-ce là la marque des plus grands : sous le sceau de son cinéma, Lumet montre que même à 83 ans, sa maestria ne l’a pas quitté, pour nous offrir un ultime plaisir teinté de regret. Regret interne à l’œuvre, oui, mais aussi regret que la vie ait décidé de la fin du chapitre.

Laisser un commentaire