2020
réalisé par: Michael Angelo Covino
avec: Michael Angelo Covino, Kyle Marvin, Gayle Rankin
Il paraît qu’on ne choisit pas sa famille mais qu’on choisit ses amis, mais est-ce vraiment la réalité? Si on s’attarde un instant sur ce dogme idiot et qu’on regarde de plus près nos propres vies, on se rend compte que les “potes” passent avec le temps mais que nos amis véritables sont un fil rouge de notre existence car notre relation a été forgée par un passé commun. Ce sont les péripéties de nos destinées qui nous imposent ces êtres parfois très différents mais avec qui on partage une complicité indéfectible.
Dans “The Climb”, on va justement réfléchir autour de cette relation parfois plus forte que les fiancés ou la famille. Un film porté par un duo d’acteurs principaux et également scénaristes, Kyle Marvin et Michael Angelo Covino (lui à la réalisation pour faire le coup du chapeau), et qui nous propose de suivre sur plusieurs années le lien entre Kyle, un homme simple et parfois naïf, et Mike, un personnage bien plus néfaste qui détruit régulièrement la vie de son ami sans vraiment s’en excuser. Malgré les épreuves, l’union entre ces deux personnages perdure.
Les ficelles des pantins
Avant de disséquer le fond du film, il convient de s’intéresser à sa technique qui interpelle immédiatement. “The Climb” est une collection de moments de la vie de Kyle et Mike, allant d’occasions tragiques comme des obsèques à des instants plus légers tel un repas de famille, toujours filmée en plan séquence avec un rythme et une fluidité à toute épreuve. Le jeu d’acteur devient un véritable ballet dans “The Climb”, une chorégraphie parfaitement synchronisée qui laisse transparaître la complicité entre Kyle Marvin et Michael Angelo Covino.
Le long-métrage bénificie égalemment d’une furieuse qualité d’écriture: “The Climb” est aussi drôle qu’acidulé, dicte un humour noir et irrésistible. On s’imprègne d’une scène, s’imagine dedans et c’est sans crier gare qu’une réplique habilement balancée vient déclencher un rire sincère. Kyle Marvin et Michael Angelo Covino sont complètement investis dans leur interprétation et leur travail s’en ressent. “The Climb” est un délice.
Seuls artifices de mise en scène, ces virgules musicales qui viennent ponctuer chaque moment de la vie de Kyle et Mike. Des instants étranges, presque saugrenus, qui participent à construire autour du long-métrage une aura particulière et unique, une véritable identité originale.
« Pousse feignasse »
Duo et duel
Sur le papier, tout oppose Kyle et Mike et c’est sans doute de ce mélange improbable que “The Climb” tire sa principale force. Kyle est une personne altruiste, franchement “trop bonne pour son propre bien”. Par instants, il apparaît même comme profondément naïf alors que son ami lui fait subir les pires affronts. Ce sont d’ailleurs aux carrefours de sa vie que s’arrête le film. On apprécie cet homme, on s’identifie facilement à lui, on s’attache émotionnellement.
En face, Mike a tout de l’ami toxique, le parfait salaud, soyons honnête. Pourtant, on ne lui enlèvera pas la considération qu’il a pour Kyle. C’est simplement sa nature profonde qui le pousse à mal agir. Son affection est profonde mais il est tout simplement nocif pour les autres.
L’amitié incroyable qui en résulte sonne pourtant probable. Leur lien est plus profond que les épreuves de la vie, c’est une décision mutuelle ancrée au plus profond d’eux: “Tu es mauvais, maladroit, mais soyons ami malgré tout”. L’union apparaît étrange mais elle est admissible dans le ton de la comédie qui cache pourtant une pertinence insoupçonnée.
Ami pour la vie
Si on gratte un peu la surface de l’œuvre, on prend conscience que Kyle Marvin et Michael Angelo Covino tordent le cou aux idées reçues. L’amitié n’est pas un chemin simple, il est tortueux et parfois tragique. On ne peut pas écarter un ami, on se doit de le supporter, de l’admettre comme il est et c’est un choix difficile sur lequel on ne peut revenir. On s’amuse devant “The Climb” mais on se confronte également à notre propre vision de l’amitié.
Les deux artistes semblent même vouloir avancer l’idée que l’amitié est un hasard, une rencontre fortuite qui se cimente avec le temps à mesure que se tisse ce passé commun qu’on évoquait plus tôt. Lorsque Kyle et Mike échangent des anecdotes d’enfance, on comprend que malgré les pires coups du sort, il seront toujours là l’un pour l’autre, prêts à se pardonner pour continuer à avancer ensemble sur cette pente car on ne laisse pas un ami dans la détresse.
On a franchement ri devant “The Climb” en même temps qu’on a légèrement réfléchi à notre propre rapport à l’amitié. Un film à l’écriture séduisante, aux idées de mise en scène pertinentes et au fond interpellant.