(Chun Jiang Shui Nuan)
2019
réalisé par: Xiaogang Gu
avec: Zhenyang Dong, Hongjun Du, Wei Mu
C’est un lieu à part où ciel, terre et mer se côtoient. Un endroit magique où les anciens temples et les nouveaux immeubles se confondent. Une ville où la vie s’écoule tranquillement au rythme du fleuve. Dans ce coin de paradis, la Chine est en pleine mutation, entre tradition et modernité, mais également tournée vers son Histoire et la préservation des bâtiments les plus anciens alors qu’on détruit les immeubles vétustes. Séjournons ensemble le temps d’un film dans les monts Fuchun.
Ce film, c’est une grande fresque familiale. Alors que la doyenne de la famille se voit frappée de sénilité, ses enfants et petits-enfants vont se confronter: les uns encore inscrits dans des pratiques d’un autre temps, les autres, épris de liberté, souhaitent s’émanciper.
C’est tout le paradoxe de la Chine actuelle. Ce passage de témoin entre la vieille garde qui a connu les privations et qui fait encore passer l’argent avant les sentiments (surtout lorsqu’il s’agit de marier leurs enfants) et une jeunesse plus sentimentale qui entend vivre sa vie au gré de son cœur.
Cet argent parasite tous les rapports humains. Malgré la beauté des lieux qui les entourent, c’est la situation financière qui sert de référence pour les parents. Ils entendent trouver un bon parti à leurs enfants en faisant fi des sentiments. Pourtant, bien que plus moderne, la jeunesse est elle aussi tournée vers la tradition. Dans la façon dont ils chérissent leur grand-mère ou dans la contemplation des lieux les plus anciens, ces petits enfants ne sont pas hypnotisés par les nouvelles technologies mais entendent tracer toutefois leur propre chemin en conservant l’amour de leurs aînés.
Leur vie est pourtant celle dont rêvaient leurs parents: les anciens ne sont pas dénués de sentiments, ils ont simplement dû les mettre entre parenthèses pour se plier aux conventions de leur époque. Point de jalousie pourtant, simplement le souci d’offrir tout le confort possible à leurs rejetons même si la manière laisse à désirer.
« C’est beau Le Mans »
Un personnage symbolise parfaitement ce paradoxe: la grand-mère. Sa sénilité l’a faite retomber en enfance et elle traduit intelligemment ce dilemme moral. Elle est le trait d’union entre ces deux générations, celle qui par sa maladie ouvre plus facilement son cœur et touche directement le spectateur en quelques scènes.
Autre symbole intéressant: le décor. On l’a dit, cette ville marie modernité et tradition et on navigue entre temples centenaires et immeubles tout juste sortis de terre. Ici, on essaye de préserver les lieux historiques tandis qu’à quelques rues de là, on exproprie pour mieux reconstruire. Là aussi la société moderne et historique tentent tant bien que mal de vivre ensemble.
Ces décors somptueux sont magnifiés par une photo excellente. Pas de cut inutile, on laisse tourner la caméra tant qu’il est possible. Ces plans séquence parfaitement réglés imposent le respect: on s’interroge encore sur comment une telle prouesse a pu être accomplie. Par exemple, doucement, deux amoureux vont marcher sur les rives du fleuve et on va les suivre à distance pendant plusieurs minutes. Une pratique qui rappelle l’art asiatique de la peinture sur rouleau, ces œuvres picturales (auxquelles le film fait d’ailleurs ouvertement référence) possède un sens de lecture clair que le film retranscrit habilement.
Lancinant et parfois confus par nature, cela ne fait aucun doute, pourtant “Séjour dans les monts Fuchun” impose une poésie simple qui touche droit au cœur ceux qui s’y ouvrent. Un effort de visionnage récompensé: c’est à la fin que notre histoire prend tout son sens et qu’elle bouleverse les spectateurs.
“Séjour dans les monts Fuchun” est imposant par sa durée et son rythme, mais il offre aussi un sentiment fragile et précieux qui touchera au cœur tous les amateurs de l’Asie.