(The Witches)
2020
réalisé par: Robert Zemeckis
avec: Anne Hathaway, Octavia Spencer, Stanley Tucci
Alors que l’épidémie de Covid-19 continue de fragiliser l’économie des salles de cinéma, forçant les blockbusters à décaler leurs sorties, les géants de la VOD se gavent. On ne compte plus les projets titanesques qui apparaissent sur les plateformes de streaming presque chaque semaine. Parmi les derniers arrivants sur le marché, HBO Max entend bien se faire sa place à grands coups de films et de séries. Dans les longs-métrages de son catalogue, il y a une oeuvre qui a su faire le buzz à la sortie de sa bande-annonce: “Sacrées Sorcières”. Des grands noms derrière la caméra (Zemeckis à la réalisation, Alfonso Cuaron et Guillermo del Toro à la production) mais également à l’écran (Anne Hathaway et Octavia Spencer en tête), il n’en fallait pas plus pour que la hype se fasse démesurée et comme c’est souvent le cas, le film n’est pas à la hauteur des attentes.
Un point sur le scénario d’abord: s’inspirant d’un roman du grand Roald Dahl, “Sacrées sorcières” nous narre les aventures d’un jeune garçon (Jahzir Bruno) recueilli par sa grand-mère (Octavia Spencer), une guérisseuse un peu mystique, après la disparition de ses parents. Le jour où notre héros est accosté par une femme effrayante, son ailleule va lui révéler un lourd secret: l’horrifiante dame est en fait une sorcière et ces dernières sont partout, traquant les enfants sans défense. Pour échapper à la convoitise des ensorceleuses, le garçon et sa grand-mère vont se réfugier dans un luxueux hôtel, mais ils ne se doutent pas qu’une réunion de sorcières va justement prendre place dans le bâtiment.
Parlons d’entrée du point fort du film: “Sacrées sorcières” s’appuie sur une identité visuelle forte et marquée. Il y a dans les décors, le maquillage et surtout les costumes une vraie patte originale qui séduit. L’image d’Anne Hathaway vêtue de longues robes colorées reste en tête. Le long-métrage est très généreux de ce point de vue-là et séduit presque totalement l’oeil.
“Presque” parce que malheureusement, l’oeuvre va également affirmer des effets spéciaux numériques complètement dégueulasses, dignes d’une console old school. De quoi perturber le visionnage, même pour les plus tolérants. C’est d’autant plus dommage que le film ne demandait pas forcément de gros efforts et pouvait allègrement s’appuyer sur ses visuels concrets plus séduisants, mais non, le service minimum n’est même pas atteint.
« L’enfer de la mode »
Autre souci qui va fortement entacher “Sacrées sorcières”: la manière dont certains acteurs semblent en roue libre totale, livrés à eux-même. Zemeckis (qu’on adore pourtant) semble totalement se désintéresser de la direction d’acteurs. Si Octavia Spencer reste plutôt convaincante, Anne Hathaway va elle complètement dévisser en offrant une espèce de “Cruella du pauvre” absolument insupportable, affublée d’un accent improbable sensé inviter au rire mais qui provoque plutôt l’agacement.
On continue dans l’espèce de fainéantise qui griffe le film avec son histoire affreusement mal étalée. On passe par tous les lieux communs, tous les sentiers battus mille fois arpentés pour transformer une oeuvre originale en long-métrage micro-ondé. Un défaut impardonnable pour une adaptation de Roald Dahl: parfois cruel, son univers ne manque pas de fond mais ici, le film semble vouloir se cantonner à une formule toute prête, comme en atteste la voix-off qui accompagne le récit et qui est davantage là pour combler des vides narratifs que pour apporter une dimension supplémentaire.
Le plus agaçant est sans doute la façon dont “Sacrées sorcières” se dédouane de tout fond intéressant. Il y avait largement la place pour évoquer des problèmes profonds de la société, en offrant une vision plus métaphorique de ces sorcières qui convoitent les petits enfants, ou encore en évoquant, même succinctement, la ségrégation, le héros et sa grand-mère étant noirs à une époque où l’Amérique est divisée. Mais non, surtout pas de prises de risques, cantonnons-nous à servir une morale idiote en fin de film, à base de “ce qui compte, c’est ce qu’on a à l’intérieur” et autres niaiseries du genre.
“Sacrées sorcières” ne peut même pas se vanter d’être un divertissement efficace. Zemeckis ne brille pas particulièrement dans les scènes d’action et il est bien compliqué de ressentir le souffle de l’aventure. La véritable épreuve n’est pas celle que traverse les héros, mais plutôt dans l’impossible tâche du spectateur de contenir ses bâillements devant tant de paresse.
Au-delà du buzz médiatique, “Sacrées sorcières” n’a rien à offrir. Réalisation, scénario, jeu d’acteurs: presque toutes les strates du film sont frappées par une fainéantise omniprésente qui condamne le long-métrage aux oubliettes.