1991
réalisé par: Krzysztof Kieslowski
avec: Irène Jacob, Wladyslaw Kowalski, Halina Gryglaszewska
Qui ne s’est jamais demandé ce que serait sa vie s’il était né ailleurs, dans un cadre différent? Serions-nous les mêmes si le pays de notre enfance n’était pas le même? Cette question, le cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski tente de réfléchir autour à travers le film qui nous intéresse aujourd’hui: “La double vie de Véronique”. À la manière d’un musicien qui changerait d’instrument, il va tisser toute une série de similitudes et de différences entre deux femmes nées dans des conditions opposées.
D’un côté, on a Weronika (Irène Jacob), une jeune chanteuse polonaise qui tente de faire carrière en digérant un parcours familial compliqué. D’un autre, nous avons Véronique (Irène Jacob aussi), une prof de musique française qui est en quête d’amour et qui s’éprend profondément pour un marionnettiste venu interpréter son spectacle dans son école. Les destins de ces deux “sosies” s’entremêlent et se confrontent pour en extirper ressemblances et points de divergence.
Pour faire la critique de “La double vie de Véronique”, il faut donc fatalement faire l’inventaire des points communs aux deux femmes. Pourtant nées dans des familles très différentes, elles semblent partager une même façon de s’émouvoir. L’esprit volage de Weronika répond à la recherche de l’âme soeur de Véronique. Mais c’est surtout la musique qui les réunit: toutes deux y consacrent leurs vies et l’appréhendent de la même façon.
Tout aussi révélateur, les différences entre les deux héroïnes. Weronika est d’un naturel ouvert et souriant, alors que Véronique se fait bien plus introvertie. Si leurs émotions sont les mêmes, leurs manifestations sont peu semblables et en soustrayant les points communs, on obtient le résultat de leurs différentes origines.
En parallèle de ces réflexions, on obtient aussi tout naturellement une véritable vision de la notion de destin. Tantôt esclaves, tantôt actrices de leur avenir, les deux femmes partagent une même lutte pour l’émancipation. À travers leurs amours, Kieslowski théorise sur cet aspect de la vie qui nous échappe.
« Un tifosi du Milan AC. »
Irène Jacob, somptueuse, sert de véritable muse au cinéaste. Les jeux d’ombre, les cadrages, le choix des couleurs: le réalisateur, inspiré par la plastique de l’actrice française, réussit à la mettre magnifiquement en image, sans jamais en faire trop. Simplement en l’affirmant comme seul véritable personnage principal, il la magnifie.
Intéressant d’ailleurs de constater que malgré l’époque, le film avance une femme en seul vrai protagoniste. Ça n’est pas la seule exception de cette période mais ça reste une originalité. D’autant plus que la partition qu’on lui propose lui donne de l’épaisseur. Toujours sensible mais jamais larmoyante, on s’attache à ce personnage à un niveau affectif profond.
Mais ça ne saurait être suffisant pour un public en manque de rebondissements. “La double vie de Véronique” ne propose que très peu de retournements de situations mais s’appuie davantage sur une poésie étirée le temps du long-métrage. Véronique/Weronika n’est pas une super-héroïne, simplement une femme comme une autre avec les mêmes problèmes que vous, spectateurs.
Au centre du film, la passion commune pour la musique que partagent les deux femmes. En s’appuyant sur un seul et même thème, mais en proposant des variations d’orchestrations et d’arrangements, le film appuie son propos: différent et semblable à la fois, comme les deux rôles d’Irène Jacob.
« La double vie de Véronique » ressort du coté de Potemkine.
“La double vie de Véronique” est un essai intéressant qui tente d’élever sa réflexion avec subtilité. Idéal pour passer un moment doux et intéressant à la fois.