(Night key)
1937
Réalisé par: Lloyd Corrigan
Avec Boris Karloff, Jean Rogers, Samuel S Hinds, Hobart Cavanaugh.
Film fourni par Elephant Films
David Mallory (Boris Karloff), un inventeur se fait escroquer par une société de télésurveillance qui lui a volé son invention. Pour se venger, il utilise une autre de ses créations: la clef de la nuit. Celle-ci peut désactiver toutes les alarmes de la ville. Malheureusement pour David, son invention tombe entre les mains de la pègre. En 1936, Universal décide de diversifier ses productions, pensant que son univers de monstres d’horreur s’écroule petit à petit. Le studio tourne en 27 jours et pour un petit budget, Alerte la nuit. Il s’agit d’une œuvre qui mêle plusieurs genres, la science-fiction, le polar et une histoire d’amour. Malgré sa contrainte budgétaire et son histoire qui peut paraître simpliste, le film offre à Boris Karloff l’un de ses rôles les plus touchants.
La ville
Pour planter le parfait contexte permettant le mélange des genres, Lloyd Corrigan nous propose une cité sombre et dangereuse. Tout commence par un matte painting nous présentant une ville industrielle sombre et enfumée. Immédiatement, le réalisateur nous transporte dans un fondu enchaîné sur une scène qui pourrait sortir tout droit d’un téléshopping. Un agent de sécurité vante les mérites d’un système d’alarme révolutionnaire, seul moyen de stopper le crime.
Le décor est ainsi posé. Nous sommes dans un univers inquiétant où chaque citoyen a peur de son ombre. c’est un mélange de science-fiction et de polar pour toujours garder le spectateur en tension. La ville est souvent montrée comme vertigineuse, labyrinthique et oppressante. Le réalisateur utilise habilement le cadrage et les ombres pour illustrer son propos. On a parfois l’impression de se trouver à Gotham. Très vite, le spectateur comprend que la vraie menace ne vient pas des rues mais des puissants. Nous avons d’un côté les grosses sociétés et de l’autre les criminels. Chacun impose sa loi, broie ses victimes pour les laisser dans le noir. Tout n’est que manipulation pour que l’humain ne soit plus que désespoir . C’est ainsi qu’il devient un outil au service de ces puissants qui s’enrichissent sur son dos.
Déshumanisation
Le point le plus intéressant du film est cette perte d’humanité que l’on ressent au travers de l’inventeur interprété par Boris Karloff et son partenaire, le petit voleur, Louie, joué par Hobart Cavanaugh. Ces deux personnages sont réduits à l’état de simples outils. On les utilise, puis les rejette quand on en a plus besoin, ils sont maltraités et moqués. On leur prend tout et lorsqu’ils se plaignent, ils se font réprimander. Chaque personne doit jouer son rôle au service des plus puissants et ceux qui refusent de rester à leurs places sont très mal vu. Le patron de la société d’alarme n’est pas sans rappeler Dillinger l’un des antagonistes de Tron qui lui aussi n’hésitera pas à voler les autres pour conserver son pouvoir.
C’est dans cette ambiance que naît pourtant une belle histoire d’amitié entre David et Louie. Les deux acteurs sont extrêmement touchants. Le duo fonctionne à merveille et on s’attache rapidement à ces deux laissés pour compte. Boris Karloff livre une brillante performance que Corrigan saisit parfaitement, en mettant en valeur son visage à de nombreuses reprises, nous permettant ainsi de saisir toute sa tristesse et son impuissance. Karloff nous brise le cœur à plusieurs reprises.
La résistance
Lorsque les personnages résistent et décident de sortir du rôle que les forces supérieures leur ont attribué, ils sont immédiatement réprimandés. Ce désir de liberté permet d’apporter au film une nuance plus lumineuse. On se retrouve alors dans un registre de comédie et de film d’amour.
David utilise son esprit et la science, pour faire des blagues. Ainsi, c’est par la farce qu’il pense pouvoir se venger et récupérer ce qu’on lui a volé. Il veut ridiculiser cette grande société tentaculaire pour la priver de son pouvoir et révéler ainsi sa laideur. La science dans le film n’est d’ailleurs ni mauvaise ni bonne. La morale qui en ressort c’est que l’humain qui se trouve derrière elle, est responsable de son utilisation. En parallèle, le film nous offre des moments romantiques avec l’histoire d’amour entre Joan, la fille de l’inventeur (Jean Rogers) et Jim, l’agent de sécurité (Warren Hull). Ces scènes, bien que longues, sont magnifiquement éclairées, apportant une bouffée d’air et une impression onirique. Par ces idées, Corrigan permet ainsi à ses personnages de regagner leur humanité ainsi que leur libre arbitre. Il est cependant dommage que cet élan de liberté n’aille pas plus loin à la fin du film, nous donnant ainsi l’impression que le statu quo reste inchangé.
Alerte la nuit est un film aux multiples facettes. Le réalisateur arrive parfaitement à jongler entre différents genres cinématographiques pour nous parler de cette société américaine en plein développement qui semble broyer son peuple entre grandes sociétés capitalistes et grands banditismes. Bien que son histoire d’invention volée soit très simple, le film réussit à nous captiver grâce au jeu touchant de Boris Karloff qui nous touche en plein cœur et le superbe travail de photographie du film.
Alerte la nuit est disponible chez Elephant films avec en bonus :
- Le film vu par Jean-Pierre Dionnet
- Bande annonce
- Crédit
Ping : Le rayon invisible - Les Réfracteurs