13 Tzameti

2005

réalisé par: Géla Babluani

avec: George BabluaniAurélien RecoingPascal Bongard

Un premier long-métrage est souvent une expérience. Un cadre filmique délimité où un cinéaste va mettre tout son cœur pour livrer ce qui fera l’essence de son cinéma. Mais le dosage n’est pas toujours parfait, et compliqué pour un jeune réalisateur de trouver un équilibre parfait entre intentions et exécutions. Avec “13 Tzameti”, on va se placer dans ce cas de figure: un premier film de Géla Babluani bourré d’idées intéressantes mais également de stigmates du manque d’expérience.

Sébastien (George Babluani, on travaille ici en famille) est un jeune ouvrier immigré qui répare la toiture d’une grande demeure. Perché sur le toit, il perçoit des bribes de conversations mystérieuses venant de l’intérieur et évoquant une prochaine rentrée d’argent. Alors que le propriétaire décède d’une overdose, Sébastien va subtiliser dans son courrier une mystérieuse invitation accompagnée d’un billet de train. Intrigué et dans l’espoir d’en apprendre plus sur le magot, le jeune travailleur va suivre cette piste, mais il ignore encore qu’elle va le mener vers un jeu de roulette russe pervers où les gens les plus fortunés parient sur l’issue des affrontements auxquels se plient tous types de personnages désespérés.

Par tendresse pour un jeune cinéaste débutant, on a toujours tendance à pardonner les errances inhérentes à une première œuvre. Mais aussi compatissant soit-on, on est obligé de les mentionner car “13 Tzameti” les traîne pendant 1h20 sans jamais s’en affranchir réellement. Il y a par exemple sa musique, lancinante et un peu banale, qui très régulièrement va être sur-employée là où un silence pouvait suffir. La composition n’est tout simplement pas séduisante.

Peut-être plus marquante encore est la direction d’acteurs franchement aux fraises. Dommage, “13 Tzameti” s’appuyait sur quelques gueules bien marquées, propices à un cinéma noir comme un café corsé qui allait bien de paire avec l’intrigue. Malheureusement, Géla Babluani n’arrive pas à en tirer un jeu de comédien fluide et naturel, se réfugiant dans les prises les moins pires plutôt que de chercher les meilleures.

« Je te tiens, tu me tiens… »

Mais mis de côté ces quelques fautes de goût, “13 Tzameti” peut se flatter de quelques bonnes idées assez marquantes. Il y a par exemple sa durée relativement courte qui appuie la volonté de délivrer un message fort d’un seul coup, comme un uppercut violent. Additionné au noir et blanc qui donne un côté bien tranché à l’image, on vit une expérience rugueuse, sans temps mort et qui met KO.

Le réalisateur utilise également par instant un cadrage de l’essentiel qui impose quelques symboles forts: un plan serré sur un flingue, une liasse de billets ou ce fameux chiffre 13 et immédiatement, on appuie là aussi la volonté d’aller droit au but dans cette fable macabre. À d’autres moment, et tout particulièrement dans le premier tiers du film, les choix de plans vont avancer une idée d’intrusion dans le quotidien: Sébastien surprend une conversation à travers un trou dans la toiture, ou bien quelqu’un observe la demeure à travers le téléobjectif d’un appareil photo. Plutôt bien vu.

Malheureusement, cette forme d’audace propre à un premier film se perd régulièrement et Géla Babluani va trop souvent se replier sur son concept efficace mais un peu facile. Il manque à “13 Tzameti” une histoire un peu plus fouillée qui ne se résume pas qu’au jeu de roulette russe. Le cinéaste tente bien de nous attacher à Sébastien mais c’est le plus souvent raté.

Une forme de paresse, certes, mais qui n’enlève rien à la puissance de l’idée de base qui oppose assez efficacement deux groupes sociaux distincts. D’un côté, les riches sans cœur qui ne font aucun cas de la valeur d’une vie humaine et qui sont prêts à tout pour ressentir un petit frisson derrière leur inhumanité: peut-être un peu simpliste mais pertinent. Dans l’autre camp, les pauvres et les démunis, les laissés pour compte, contraints de parier ce qu’ils ont de plus sacré, leur vie, pour subvenir à leurs besoins alors qu’en face, on se vautre dans le luxe. Géla Babluani pousse ces personnages au bout d’eux-mêmes, les lessive littéralement jusqu’à les droguer pour aller au bout, histoire de mieux appuyer sur l’aspect presque métaphorique de son film.

Difficile de passer outre certains défauts de “13 Tzameti” mais si on excuse certains écueils inhérents à une première œuvre, il reste un concept moteur du film qui fonctionne malgré tout.

Nicolas Marquis

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