Over the Moon
2020
Réalisé par: Glen Keane, John Kahrs
Avec: Glen Keane, Brycen Hall, Ruthie Ann Miles
L’édition 2021 des Oscars approche à grands pas et vos dévoués Réfracteurs continuent leur tour d’horizon non exhaustif des forces en présence pour vous emmener tout doucement vers une cérémonie qui s’annonce bien particulière, crise sanitaire oblige. Un véritable travail d’équipe puisqu’en plus de moi-même, votre serviteur Spike qui vous écrit ces quelques lignes solidement installé derrière mon clavier, et de ma comparse Oracle pour m’épauler moralement et concrètement, vient aujourd’hui se mêler à l’équation notre critique en herbe Tsuyu, du haut de ses 8 ans, pour un détour par la catégorie “film d’animation” qui propose chaque année de quoi émerveiller les plus jeunes.
Notre mini-Réfractrice choisit donc aujourd’hui de jeter son dévolu sur “Voyage vers la lune” de Glen Keane et John Kahrs, disponible sur Netflix, et c’est le fruit de nos discussions d’après-séance que nous vous partageons comme on a coutume de le faire dans nos “Kids Corner” pour que vous aussi, adultes, sachiez quoi attendre de l’œuvre et de sa réception par nos enfants. “Voyage vers la lune”, c’est l’histoire de Fei Fei, une jeune fillette chinoise qui croit farouchement aux légendes que lui raconte sa mère et tout spécialement celle de Chang’e, une princesse immortelle qui vivrait sur la Lune et qui se lamente loin de son amour resté sur Terre. Lorsque la mère de Fei Fei décède tragiquement et que son père commence à vouloir refaire sa vie, l’héroïne du film va se lancer dans la construction d’une fusée pour se rendre elle-même sur notre satellite naturel et rencontrer Chang’e afin de rappeler à son père ce qu’est le vrai amour. Elle ignore alors encore qu’elle s’embarque pour un périple fantastique qui va la faire mûrir, dans un royaume féérique haut en couleurs.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, un peu de contexte: John Kahrs et Glen Keane sont tous les deux d’anciens employés de longue date de Disney, ayant participé à la conception de dizaines de films pour la firme américaine, et ce à de multiples postes. Un trait commun qui pourrait n’être qu’un détail si “Voyage vers la lune” n’émulait pas aussi ostensiblement la structure narrative qui a fait le succès des amis de Mickey, avec une pensée particulière pour certains Pixar. Le long métrage sorti sur Netflix nous restitue l’éternel enchaînement de courses-poursuites, de chansons, de morales plus ou moins bien amenées et de gags servis par des protagonistes parfois un peu bouffons.
Cette formule bien identifiée par les adultes, même notre jeune complice a su la pointer du doigt et souligner le manque d’originalité qui frappe un peu notre long métrage du jour, tout en précisant que “Voyage vers la lune” ne jouait pas dans la même catégorie que ses Disney favoris. Pour exemple concret, Tsuyu a évoqué la musique du film qui l’a laissée de marbre alors que les chansons pullulent. Au-delà d’une séquence bien précise qui bénéficie d’un certain effet de surprise, aucune envolée lyrique ne l’a convaincue, ne laissant pas de trace durable dans son esprit. Reste toutefois une notion de rythme scénaristique qui a satisfait Tsuyu: l’alternance de temps forts et de temps morts a su maintenir son attention alors que le film peut justement paraître un peu trop hystérique aux adultes: l’innocence de l’âge et d’un oeil critique en pleine formation, à n’en pas douter.
« Vers l’infini et au delà!!! »
C’est avec bien plus de lourdeur que Tsuyu a accueilli l’avalanche totale de personnages secondaires, parfois inutiles ou peu travaillés. Passé la phase de découverte et d’émerveillement, elle s’est sentie oppressée par cette myriades de protagonistes qui multiplient les pistes sans parfois faire l’effort d’aller au bout de celles-ci. Une impression de bâclé émane de cet aspect du film, frappé par des résolutions parfois beaucoup trop simplistes pour convaincre même un enfant de 8 ans. “Voyage vers la lune” aurait sans doute mieux fait d’en faire moins, mais de le faire plus efficacement.
Visuellement, notre consultante jeunesse de luxe reste aussi sur la réserve. L’architecture du royaume lunaire ne semble pas l’avoir marquée et le bestiaire foisonnant du film l’a même contrariée: toute l’identité graphique du film semble rater sa cible et manque probablement d’un peu de personnalité pour fonctionner parfaitement. Subsistent tout de même les explosions de couleur omniprésentes à l’écran qui ont su faire scintiller les yeux de Tsuyu. À de très rares moments, “Voyage vers la lune” fait également le pari de mélanger 3D et animation traditionnelle dans des scènes porteuses d’une vraie charge poétique. Des instants trop fugaces que notre complice aurait aimé voir en plus grande quantité.
Tout ne se joue pas toutefois uniquement sur la Lune et on ne peut passer sous silence l’introduction qui prend place en Chine. “Cliché”, voilà le mot d’un enfant qui tente de définir la vision très occidentale du pays asiatique que porte “Voyage vers la lune”. On impose tous les poncifs du genre, allant de la nourriture aux feux d’artifice en passant par les cerfs-volants. Lorsque le futur demi-frère de Fei Fei se présente à elle raquette de tennis de table en main, on lève les yeux au ciel de consternation et cela, même Tsuyu l’a ressenti.
Mais au-delà du visuel, quel message notre complice retire du film? Avec un immense étonnement, Tsuyu a d’abord évoqué le dépassement de soi et l’envie d’aller au bout de ses rêves alors que cet axe nous a semblé mineur. Certes, il faut être débrouillarde pour construire sa propre fusée, on ne va pas contredire notre mini-réfractrice, mais de là à capter ce dogme comme morale principale du film, il y a un monde, probablement le même qui sépare l’enfant de l’adulte. Il aura fallu discuter un peu plus longtemps pour qu’enfin le cœur du long métrage apparaisse aux yeux de notre rejeton: le deuil. En vérité, “Voyage vers la lune” tente d’une manière louable de faire comprendre ce concept aux enfants et les aide même à traverser l’épreuve si besoin en est. Ceci dit, même en échangeant autour de cette thématique, on a senti que Tsuyu n’avait que partiellement compris ce qui transparaît de l’œuvre. La faute peut-être à un manque léger de gravité qui noie la mission première du film dans un flot de grammaire cinématographique pop-corn pas toujours bienvenue, même si un certain mélange d’émotions est au rendez-vous.
Plus naturellement est venu la définition de la famille qu’offre “Voyage vers la lune”: on a souvent fait d’expliquer trivialement aux enfants que cette cellule se cantonne aux personnes qui partagent son sang alors que c’est un concept plus vague qu’on devrait englober. Certaines personnes partent, d’autres arrivent, des amis peuvent devenir comme de véritables frères… La famille d’aujourd’hui n’a pas de schéma fixe, c’est un ensemble en perpétuel évolution et Tsuyu l’a parfaitement compris, entre autres grâce au film, alors que certains adultes se braquent parfois sur la question: de quoi reprendre espoir en la nouvelle génération.
La note de Tsuyu
Objectivement et même pour un enfant, “Voyage vers la lune” n’est pas un très bon film, à peine un moment moyennement satisfaisant qui sort un peu la tête de l’eau grâce à la sincérité de son message, même s’il faut l’affiner après la séance pour qu’il soit digéré au moins partiellement par les plus jeunes.
J’aime beaucoup tes critiques ! Ce sont les plus jolies…