(Jason and the Argonauts)
1963
réalisé par: Don Chaffey
avec: Todd Armstrong, Nancy Kovack, Gary Raymond
À chaque époque son style emblématique. Les genres cinématographiques phares de certaines ères ne résistent pas toujours à l’épreuve du temps et tombent parfois en désuétude. L’exemple le plus connu, c’est probablement le western qui a pendant son âge d’or connu un nombre de productions disproportionné avant de se faire plus discret. Sa disparition n’est pas totale et quelques fois, le cinéma y retourne mais impossible de comparer le volume d’œuvres actuel avec celui de la grande époque. Ce constat est encore plus probant lorsqu’on évoque les péplums et ses quelques longs-métrages cultes. Ce style particulier a lui quasiment été abandonné et pourtant, on va voir aujourd’hui avec “Jason et les Argonautes” qu’il peut être particulièrement généreux et faire la synthèse de l’action, l’aventure et la réflexion légère.
L’histoire de Jason (Todd Armstrong), l’héritier du trône de Thessalie, chassé de sa terre natale dès son plus jeune âge par le tyran Pélias (Douglas Wilmer). Pour reconquérir son pays, Jason, devenu adulte, va réunir un équipage composé des plus formidables athlètes grecs et partir en quête de la mythique toison d’or (grosso modo une peau de bouc qui brille, soyons honnête), affrontant moultes épreuves l’opposant à des légendes célèbres de son époque.
C’est d’ailleurs sûrement une des forces principales du récit: cette façon qu’a “Jason et les Argonautes” de nous proposer un panel complet des mythes grecs anciens. Outre le Panthéon et ses dieux un brin cruels, on vit à travers le périple du héros une douce balade au monde des bestioles et des personnages les plus réputés: l’hydre, les harpies, Hercule et autres. Le film nous offre une sympathique synthèse qui reste toujours parfaitement cohérente.
Cette virée en Grèce antique, c’est aussi l’occasion de vivre une épopée grandiose et maîtrisée. La mentalité du héros téméraire, les lieux qui changent et offrent des cadres différents à l’histoire, les dilemmes moraux et les épreuves… On frissonne avec Jason, on s’enhardit, on doute parfois: on a ici un long-métrage d’aventure dans la plus pure tradition des grands films hollywoodiens.
« La fameuse légende de Giannis Antetokounmpo »
Pourtant, tout est loin d’être parfait dans “Jason et les Argonautes” qui va parfois verser dans une facilité déstabilisante. Ce ressenti, il se cristallise tout particulièrement autour du personnage de Médée (Nancy Kovack), sorti d’un peu nulle part, versatile à l’extrême et qui ne semble disposé là que pour débloquer une impasse du scénario. Trop simple même pour un récit mythique.
Léger aussi nous ont semblé les rapports des dieux du Panthéon entre eux. Les échanges entre Zeus et Héra ont parfois des relans de sitcom idiot. Une querelle d’amoureux banale alors que le sort de Jason est en jeu sur la terre ferme qui nous a laissé perplexe. On aurait davantage goûté des divinités grandiloquentes que ce mélange assez pompeux et faussement drôle.
À l’échelle humaine, les enjeux sont plus intéressants. Toute la fourberie des hommes est étalée: la couardise, la tromperie ou la cupidité sont exposées et souvent punies par les rebondissements de l’aventure. Mais “Jason et les Argonautes” n’oublie pas les valeurs positives et son héros incarne un idéal de courage et de détermination. Un peu facile tout de même, une fois de plus, la manière dont l’équipage du bateau adhère facilement à sa quête: les raccourcis indispensables d’un film mais qui peuvent sembler un brin grossiers.
Bien plus pertinent sont les échanges entre les divinités et les hommes, quand mysticisme et pragmatisme se confrontent. Malgré l’omniprésence du Panthéon dans le film, Jason défie les dieux, veut s’émanciper, se défaire de leur carcan. Certes, leurs interventions sont incontournables mais textuellement, le film va clairement évoquer un futur proche où les hommes devront apprendre à “faire sans les dieux”. Additionné à la manière dont Zeus s’amuse des déboires parfois mortels des êtres humains, l’œuvre devient presque anarchique dans son rapport au divin.
Mais “Jason et les Argonautes” c’est avant tout une prouesse technique, celle d’un artisan fabuleux du cinéma, Ray Harryhausen, producteur mais surtout responsable des effets spéciaux du film. C’est un délice de le voir redoubler d’astuce dans ses trucages, mélangeant stop-motion, projections et gadgets divers et variés. Ce génie trop méconnu affirme dans “Jason et les Argonautes” une avance incroyable sur ses contemporains pour offrir un plaisir visuel toujours intense.
C’est le souffle de l’aventure que l’on éprouve avec “Jason et les Argonautes”. Un vent épique qui décoiffe à grands coups d’effets visuels novateurs et décapants pour l’époque.