Ils reviennent…

(Vuelven)

2017

de: Issa López

avec: Paola LaraJuan Ramón LópezNery Arredondo

Les enfants au cinéma sont toujours amplificateurs d’émotions. C’est comme ça, c’est la nature humaine. Dès qu’un malheur touche un marmot, on se sent immédiatement plus révolté que si la tragédie frappait un adulte. Difficile de l’expliquer, probablement les restes d’un instinct primaire qui nous pousse à protéger nos petiots, mais aussi la volonté de défendre ceux qui ne le peuvent pas. On expérimente une fois de plus ce phénomène au cinéma avec “Ils reviennent…” et son casting presque exclusivement composé d’enfants.

Face à nous aujourd’hui, un conte de fée macabre, où réalité et magie se côtoient pour faire ressurgir toute la violence qui règne dans les quartiers les plus pauvres du Mexique. Estrella, une petite fille de 10 ans vivant seule depuis que sa mère a été enlevée par un gang local, obtient trois voeux suite à un événement dramatique. Son premier: faire revenir sa mère, et ça fonctionne! Sauf que sa maman revient d’entre les morts et est horrifiante. Livrée à elle-même car préférant fuir, la petite fille va trouver refuge auprès d’un groupe d’autres orphelins, et tenter de survivre face à la menace des gangs qui semblent les pourchasser, et en gardant en tête les deux voeux restants.

On le disait, les enfants exaltent les émotions et “Ils reviennent…” ne fait pas exception. Même si ça peut sembler de prime abord facile, on vibre avec ce groupe de marmots. On ressent leurs joies, leurs peines, et surtout on a peur avec eux. De tels protagonistes facilitent aussi le lien qui se tisse entre eux: là où des adultes sont toujours plus pudiques, les enfants n’hésitent jamais longtemps à accorder leur amitié, et le film utilise bien ce ressort. Même si certains secrets sont d’abord cachés, la constitution du groupe semble naturel.

On pourrait croire que ces enfants sont un vrai frein au côté semi horrifique du film alors que bien au contraire, ils amplifient la tension dramatique. Bien sûr, ce n’est pas le premier thriller angoissant à utiliser les gosses, mais ici le mélange se fait plutôt efficacement: le monde extérieur est une menace pour eux et on l’assimile aisément. Le contraste est même diablement efficace.

« Je mise tout sur la gamine! »

D’autant plus que les adultes sont presque totalement absents du récit, et le peu qui est présent est toujours là comme une menace, jamais bienveillant. La cinéaste Issa Lopez choisit de rester centrée sur les enfants, d’en faire presque l’unique représentation humaine. Tous privés de famille, ils deviennent presque une métaphore du peuple mexicain, prisonnier des cartels et de leurs pratiques inhumaines. Si “Ils reviennent…” est une fable, comme il en prend la forme, alors il convient de pousser plus en avant son propos. Les enfants c’est le futur, et il sont pris en otage par cette situation invivable.

Pour appuyer l’immersion, la réalisatrice fait un choix intéressant: garder sa caméra à hauteur des enfants, toujours à leur niveau. De quoi se sentir plus impliqué, voire membre de cette triste bande. Le peu d’adultes représenté l’est généralement en contre-plongée, et à l’inverse, les enfants ne sont quasiment jamais restitués en plongée. Ça peut sembler facile mais c’est une bonne idée qui fonctionne.

Mais dans “Ils reviennent…” ce qui nous a le plus plu est sans doute la manière dont le film joue des lignes du décor. On pense par exemple aux graffitis, très présents. Ils décorent le mobilier urbain mais donne le ton d’une scène également. Les plus travaillés représentent des tigres aux traits enfantins et aide à l’immersion. Mais, moins visible, la façon dont Issa Lopez va utiliser des décors aux tags bien plus secs et sans volonté artistique pour accentuer la tension de certaines séquences est bien vue et impose un ressenti sans en donner l’air. La réalisatrice affirme une science de l’esthétisme aussi discret qu’efficace.

Puis il y a ces traînées sanglantes, qui recouvrent tout sur leur passage et qui suivent inexorablement l’héroïne. Parfois une tâche, parfois un simple écoulement, c’est là aussi la preuve d’un visuel efficace, savamment dosé entre réalité et fantastique, et qui apporte un vrai message.

Dans cette fable macabre, Issa Lopez réussit à tirer le meilleur de son visuel pour appuyer un propos réfléchi sur la pauvreté absolue qui frappe le bas de l’échelle sociale mexicaine et plus spécialement les enfants.

Nicolas Marquis

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