28 jours plus tard

(28 Days Later)

2002

de: Danny Boyle

avec: Cillian MurphyNaomie HarrisChristopher Eccleston

Comme promis dans notre édito, ce mois sera un peu spécial car placé sous le signe d’Alex Garland. Le cinéaste devenu déjà culte en une poignée de films ne cesse de s’approprier la pop-culture pour en tirer le meilleur. Mais avant de devenir réalisateur, le bonhomme a d’abord fait ses armes en tant que scénariste. On évoque donc pour débuter notre rétrospective “28 jours plus tard”, un énorme succès public et critique pour un premier vrai travail au cinéma. Notez tout de même qu’on met de côté ses nouvelles qui ont inspiré des films: nouvelliste et scénariste sont deux métiers très différents à Hollywood, et le premier tient davantage de la littérature que du cinéma. Bien, place au film qui nous intéresse!

Nous voilà face à une histoire de zombies, mais à une époque (2002) où les mangeurs de cerveaux ne sont pas encore mainstream. Le récit des aventures de Jim (Cillian Murphy) qui se réveille à l’hôpital pour constater les ravages d’un virus apparu 28 jours plus tôt et qui transforme les vivants en créatures enragées après contact avec un infesté. Il est rapidement rejoint par Selena (Naomi Harris), une survivante, mais également par un père (Brendan Gleeson), Frank, et sa fille Hannah (Megan Burns).

Derrière la caméra on retrouve Danny Boyle, déjà bien connu à l’époque. Mais une fois n’est pas coutume, c’est ici tout en retenue que le réalisateur opère, comme pour laisser toute la place à l’excellent scénario de Garland de s’exprimer. Si “28 jours plus tard” continue de fasciner aujourd’hui, c’est grâce à son côté réaliste jusque dans les prises de vue. Un instant grandiloquent, durant le générique, alors que des plans d’ensemble exposent les avenues et magasins vides pour poser parfaitement le contexte, Boyle va faire le choix tout le restant du film de minimiser le nombre d’angles dans ses scènes et de favoriser l’utilisation de caméra DV, le format digital de l’époque, qui donne un aspect plus sec à l’image et un grain particulier proche des caméscopes.

On va quand même signaler l’excellente bande-son de John Murphy. Tout ce que Boyle ne retranscrit pas forcément comme épique à l’oeil, la musique vient lui donner de la dimension. Des symphonies prenantes et entêtantes, qui dictent régulièrement le rythme du film.

« Souvenir du confinement »

Mais si on est là aujourd’hui, c’est pour parler d’Alex Garland, et tant mieux car le scénario de “28 jours plus tard” est un bijou. Preuve de son importance: tout ce qu’il a légué à la culture de ce genre particulier. Pensez à cette ellipse qui donne son nom au film: elle a assez clairement dicté le postulat de base pour moultes oeuvres de tous domaines différents. “Last of Us” et “Walking Dead” en sont de bons exemples. En exposant de manière rapide les enjeux du long-métrage, Garland épouse totalement l’idée de base du film de zombies: une mission sociétale.

Toutes les plus grandes oeuvres mettant en scène les morts-vivants porte une charge sociale. “La nuit des morts-vivants” par exemple, peut-être le premier, traitait de racisme. Sa suite “Zombie” tirait à balles réelles sur la société de consommation. Garland l’a assimilé pour écrire une oeuvre dense. La courbe de progression du héros, qui dès son réveil s’enfonce de plus en plus dans la bestialité, forcé par cette situation, rappelle un peu celle d’“Apocalypse Now”. Deux héros dont le périple les pousse aux confins de l’inhumanité. Cillian Murphy, tout en sauvagerie, incarne ici l’un de ses meilleurs rôles.

Mais c’est dans le rapport de Jim aux autres que le système actuel va être démonté, disséqué, analysé par Boyle et Garland. Ce cheminement du héros se fait suite à une véritable torture du personnage. De plus en plus contrarié dans ses besoins primaires, comme le social, la nourriture ou la sécurité, il succombe au contexte du moment malgré ses principes.

On constate aussi une certaine volonté d’exposer chez les héros des classes sociales en perdition: un jeune, une femme noire ou un enfant, ce sont là des personnes d’ordinaire affaiblies par notre système, forcées de s’affirmer. Ce choix n’est pas anodin, et la perte du bonheur de ces protagonistes est sensée, profonde.

Car leur transformation s’accompagnent là aussi d’une privation des valeurs repères de notre civilisation: science, consommation, famille, armée…Tout cela est en perdition dans “28 jours plus tard” et on démontre comment notre société bien réelle se saborde seule en mettant au ban ces classes sociales.

D’ailleurs, Garland et Boyle n’exposent que peu de zombies, conscients de leur mission avant tout sociétale. Là où la plupart des œuvres mainstream se réfugient dans du gore à outrance, ici c’est le message qui prime et c’est comme ça que vos Réfracteurs aiment leurs morts-vivants!

Beaucoup plus dense que les exemples moins reluisant du genre, ce premier scénario de Garland est formidablement mis en valeur par un Danny Boyle moins dans la forme et plus dans le fond que d’habitude.

Nicolas Marquis

Retrouvez moi sur Twitter: @RefracteursSpik

Laisser un commentaire