2016
réalisé par: Marie-Castille Mention-Schaar
avec: Noémie Merlant, Naomi Amarger, Sandrine Bonnaire
Alors que les amalgames entre Islam et islamisme sont toujours omniprésents dans notre pays, “Le ciel attendra” de Marie-Castille Mention-Schaar va épouser une mission capitale: celle de faire tomber les barrières d’un tabou qui entoure l’extrémisme, la radicalisation des plus jeunes. En exposant les destins croisés de Mélanie (Naomi Amarger), une adolescente qui bascule dans l’obscurantisme, et de Sonia (Noémie Merlant), une toute jeune femme arrêtée de justesse au moment de partir pour la Syrie, la réalisatrice entend réflechir autour de ce moment où tout bascule pour des esprits soumis à la propagande agressive de Daesh.
Un instant décisif qui ne sera presque jamais clairement exposé dans le film. En montrant l’avant et l’après passage à l’acte, Marie-Castille Mention-Schaar fait un choix judicieux pour le message de son oeuvre: l’essentiel n’est finalement pas dans le moment du délit, mais davantage dans les conditions qui ont permis cette radicalisation et dans le retour presque impossible à la normale pour ceux qui ont cédé aux discours de haine.
L’autre parti pris intéressant et suffisamment réaliste pour marquer les esprits, c’est la volonté de la cinéaste de montrer que l’extrémisme ne pousse pas dans un cadre sociologique clair mais menace davantage chacun. Sonia et Mélanie viennent de milieux très différents et “Le ciel attendra” réussit sur cet aspect à faire mouche. Ce qui unit les deux adolescentes est un mal profond dont la triste méthodologie reste floue pour beaucoup. De la même façon, le long-métrage va efficacement isoler la religion musulmane et ses vertus face à des terroristes qui imposent leur vision biaisée du Coran.
On navigue donc entre ces deux histoires et dans des périodes différentes avec un certain ludisme. Marie-Castille Mention-Schaar réussit à trouver du rebond dans ses variations de rythme et nous fait explorer les esprits de ses héroïnes avec astuce. Pas de place pour l’ennui dans “Le ciel attendra”, la cinéaste nous prend par la main et nous force à regarder le problème en face.
« C’est mignon!!! »
Le souci, c’est que passé un certain stade, le film va chercher à être trop complet sur la question et à imposer un modèle de jeune femme sensible à la propagande qui laisse un peu perplexe. Le long-métrage perd de sa pertinence dans ces instants, il condense trop son propos pour faire mouche et pour qu’on embrasse totalement la proposition de la réalisatrice.
Un mal qui va de paire avec le côté parfois très verbeux de l’œuvre. On passe par des phases de dialogues un peu lourdes qui cherchent à exprimer ce que Marie-Castille Mention-Schaar ne réussit pas à suggérer. On distingue trop l’axe autour duquel le film évolue et la cinéaste se perd en tirades alors qu’elle semble bien plus efficace dans les moments silencieux et contemplatifs.
En conséquence, “Le ciel attendra” s’appuie sur des symboles tantôt pertinents, tantôt grossiers. Lorsque Mélanie se coupe de sa passion pour la musique, c’est habilement que la réalisatrice affiche la crainte de l’art qu’éprouvent les terroristes. À l’inverse, lorsque la jeune femme se retrouve le cerveau lavé à grands coups de vidéos complotistes, on lève un sourcil. Moins travaillé, trop affiché, ce pan du récit ne fonctionne pas.
En vérité, il faut reconnaître que les personnages adultes sont bien mieux servis par le scénario que les deux adolescentes, car plus discrets et silencieux dans leurs émotions. On ne peut s’empêcher de penser que Marie-Castille Mention-Schaar ne réussit pas à capter ce qui fait l’essence de la jeunesse d’aujourd’hui, comme si la cinéaste était légèrement coupée de la réalité.
Un constat conforté par la direction d’acteurs franchement limitée. On connaît la qualité des actrices et acteurs de “Le ciel attendra” et pourtant, on flirte perpétuellement avec le surjeu. On pense notamment à Noémie Merlant, investie mais sûrement mal mise en valeur par la caméra qui s’épuise en grands effets de manche émotionnels.
La mission est vertueuse mais le pari n’est pas tout à fait réussi. “Le ciel attendra” interpelle mais ne convainc pas totalement malgré sa bonne volonté évidente.
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