2019
de: Léo Karmann
avec: Benjamin Voisin, Martin Karmann, Camille Claris
Parfois dans le domaine du film fantastique, le choix de la simplicité est le bon. On adore évidemment nous aussi les univers totalement imaginaires, complexes et fouillés mais de temps en temps, c’est en adoptant une seule règle paranormale simple et en l’appliquant à un unique personnage que le long-métrage devient savoureux. C’est même parfois une évidence, prenons l’exemple de “Benjamin Button”: on est libre de penser ce qu’on veut du film, et nous les premiers aurions des reproches à lui faire, mais son principe fonctionne. Cet enfant né vieillard qui rajeunit au long du film est intéressant à voir évoluer et ce simple dogme hors du commun suffit à donner du poids au film. Grâce à une règle différente que l’on va détailler, c’est une option de l’honnêteté et de la sincérité qu’adopte efficacement “La dernière vie de Simon” avec son ton sympathique.
Ce fameux Simon, on le connaît d’abord enfant, élevé dans un foyer pour orphelins et d’origine inconnue. Mais ce môme possède un pouvoir complètement extraordinaire, qu’il garde jalousement secret: il peut se transformer en toute personne qu’il a un jour touchée, et donc modifier son apparence à loisir. Alors que Simon se lie d’amitié avec deux autres jeunes enfants du village, c’est au cours d’un week-end chez eux qu’un drame horrible va forcer Simon à adopter une seule et unique identité quasiment permanente. Après une ellipse de plusieurs années, le film bascule des péripéties enfantines à des problèmes plus intenses de jeunes adultes.
On ne va pas révéler cet élément dramatique qui change le ton du film, respectons l’oeuvre comme à notre habitude. Mais on salue tout de même cette complète transformation du long-métrage: de cet air presque farceur, rappelant vaguement par moment “La guerre des boutons”, la pellicule gagne tout d’un coup en profondeur. Cette fameuse ellipse, elle est inattendue mais logique, et on l’admet sans trop de mal. D’autant plus que “La dernière vie de Simon”, un premier long-métrage pour son réalisateur Léo Karmann, ne perd rien de sa malice. C’est même ce doux-amer qu’on apprend à aimer. Facétieux et rigolard par moments, mais parfois également intensément dramatique, le film offre un bel éventail d’émotions, quelquefois un peu facile mais toujours logique. Plutôt balèze!
Pour l’aider dans son entreprise, cette mécanique de la transformation physique donc, avec ce héros presque caméléon humain. Cet artifice, le film ne l’a pas inventé, mais il s’en sert plutôt efficacement pour justement nous faire admettre ce mélange d’émotions. Propice à quelques gags potaches, il est aussi un moteur pour emmener vers des réflexions bien plus viscérales. Cette grammaire, “la dernière vie de Simon” se l’approprie parfaitement et gagne énormément en ampleur grâce à elle.
« Et ouais! l’école reprend! »
D’autant plus que le long-métrage ne cherche pas à émuler nos braves voisins ricains. Au contraire, le film assume sa franchouillardise et ce village typique de nos littoraux offre un cadre différent à ce côté fantastique. C’est affreusement con à dire, mais on serait presque plus dépaysé par ce lieu pourtant plus proche de chez nous que par une ville des USA: toute la puissance du cinéma en un constat. C’est aussi sûrement que le film fantastique français n’a pas toujours la cote, mais qu’ici il réussit enfin son pari.
Aidé d’ailleurs par une réalisation plutôt propre: sans trop de grands élans esthétiques dont Léo Karmann n’aurait probablement pas su totalement maîtriser la portée, c’est plutôt dans la sobriété visuelle que brille “La dernière vie de Simon”. Un cadrage simple, propre, sûrement un peu trop académique mais pensé. Toujours amusant dans son découpage, l’œuvre coule de source, se déroule naturellement devant nous malgré quelques moments un peu trop larmoyants.
Pas de quoi changer notre ressenti, mais c’est vrai que parfois la péloche tenterait presque de nous faire chialer plus qu’un oignon. C’est un peu le jeu de la proposition scénaristique du film mais d’une manière très pragmatique, on constate malheureusement que ce sont parfois ces moments plus forcés que le reste du long-métrage qui entache très légèrement “La dernière vie de Simon”. Une immaturité presque assumée pour aller chercher quelques grands axes de réflexion: les rêves personnels, l’amour, y compris filial ou fraternel, et l’accomplissement de son destin. Tous ces thèmes sont mis en avant et on peut les savourer pour peu qu’on accepte le côté enfantin et “choubidou doudou” qui reste en chacun de nous, camouflé par un masque d’adulte.
“La dernière vie de Simon” n’est pas exempt de tous défauts. Quelques instants un peu “too much”, des scènes un peu trop forcées, mais merde! Si on arrêtait de pinailler pour une fois et qu’on acceptait le film pour ce qu’il est: une œuvre fantastique amusante, sensée et (pour une des rares fois) française. Allez chiche: rêvons!