
2020
créée par: Josh Friedman, Graeme Manson
avec: Jennifer Connelly, Daveed Diggs, Mickey Sumner
Un train peut en cacher un autre. Quelques années après une première adaptation cinématographique de qualité (et dont on vous parlait ici), la bande-dessinée de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette connaissait une nouvelle itération en série télé. Si on avait savouré le voyage proposé par le film du génial Bong Joon-Ho, autant vous prévenir tout de suite: le périple va être cette fois bien plus chaotique pour cette première saison de “Snowpiercer”, alors que la deuxième s’apprête à débarquer.
Pour cette nouvelle version, on reprend le postulat de base: en tentant d’endiguer le réchauffement climatique, l’humanité a condamné la planète à une nouvelle ère glacière. Seule une poignée de personnes ont échappé à la catastrophe, tous embarqués à bord d’un train, le fameux Snowpiercer, lancé dans une course permanente autour du globe. A l’avant, la première classe vivant dans un luxe indécent, à l’arrière, les parias, la “queue du train” qui survit dans une misère totale. Entre eux, la deuxième et troisième classe, essentiellement composées de travailleurs. Alors que la révolte gronde chez les plus pauvres, un des passagers du bout de l’engin, Andre Layton (Daveed Diggs), ancien flic, va être sorti de son milieu pour enquêter sur un mystérieux meurtre s’étant produit à bord du Snowpiercer. Il va devoir accomplir sa besogne, mais également glaner des informations en vue de la rébellion de ses camarades en tentant d’échapper au regard de Mélanie Cavill (Jennifer Connelly), la responsable du train.
Premier constat visuel, la série est plutôt efficace: la variété de wagons offre à l’instar du film des visions d’artistes séduisantes, comme le wagon aquarium ou le night-club. Mais ce que faisait parfaitement Bong Joon-Ho en respectant l’architecture du train va être ici complètement bafoué. On se rend compte au bout de quelques épisodes que les wagons semblent de taille différente en fonction de ce que les Showrunners veulent montrer. On ne pinaille pas, c’est tout l’univers de base qui est trahi avec cette pratique et cela va traduire un mal omniprésent dans l’oeuvre: la série est baclée.

« Un p’tit remontant? »
Deuxième preuve de ce défaut majeur: l’écriture des personnages. On passe par tous les stéréotypes imaginables et rien ne sera épargné: les passagers de première classe oisifs, la concierge zélée et pète-sec ou encore le garde ripoux. Le film caricaturait beaucoup aussi, certes, mais avec un message derrière. On ne peut pas se contenter d’étirer les protagonistes mieux amenés dans le film sous peine de perdre là aussi les téléspectateurs.
Même le héros, Layton, passe par la moulinette grossière qui déverse inlassablement sa bouillie sur l’oeuvre. Seule Jennifer Connelly surnage légèrement, grâce à son talent d’interprète. Presque tout le reste ne réussit pas à convaincre. Les enjeux principaux et secondaires sont trop mal posés pour prendre aux tripes.
« Snowpiercer » souffre également d’une lourdeur pachydermique. Si le segment autour de la révolte des défavorisés peut séduire, il n’est réellement amorcé qu’en milieu de saison, après être passé par toute cette phase d’enquête bien peu passionnante. Juxtaposé avec une narration calamiteuse, on finit par basculer dans un esprit “philo de comptoir” franchement pathétique et jamais à la hauteur du film ou de la bande-dessinée. On ne cherchait pas nécessairement à revivre des expériences similaires, mais on se serait passé de celle proposée. On perd tout ce qui faisait la substance des itérations précédentes dans des intrigues secondaires mal écrites.
Lorsque la série se conclue par un cliffhanger un peu ridicule, qui ne devrait pas changer réellement la donne mais plutôt reproposer faussement ce qu’avait mal accompli la première saison, on tire un constat amer: “Snowpiercer” dans sa version série TV est une oeuvre de nantis qui tentent de comprendre la détresse des plus pauvres sans jamais y parvenir, faute d’authenticité.

Presque rien ne convainc dans “Snowpiercer”, en dehors de quelques fulgurances visuelles. On ne s’attache pas à cet univers comme nous le permettait le film, on reste froid. HAHA!