(The Call of the Wild)
2020
de: Chris Sanders
avec: Harrison Ford, Omar Sy, Cara Gee
Et si en cette période de confinement, nous vous disions qu’il existe une façon simple de vous évader loin, très loin, sans pour autant quitter votre domicile? Si nous vous disions qu’il y a une manière sûre et sans danger pour vous et vos proches de vivre une grande aventure en famille, tout en respectant les consignes sanitaires actuelles? Si nous vous disions que le Yukon, ce territoire canadien limitrophe de l’Alaska, n’est qu’à portée de télécommande? Cette méthode simple porte un nom: le cinéma. Alors tirez les rideaux (pour plus d’ambiance), installez-vous confortablement dans votre canapé (pour mieux savourer ce voyage) et préparez un bon chocolat chaud pour vous et vos enfants (ça, c’est simplement parce que c’est bon) et évoquons ensemble la dernière version cinématographique en date de “L’appel de la forêt”, toujours avec la complicité de notre mini-Réfractrice Tsuyu.
Tiré du chef-d’oeuvre éponyme de la littérature américaine signé Jack London, le film suit les aventures de Buck: un chien à la musculature massive qui, arraché aux terres de Californie, va être transporté puis revendu au nord du continent américain pour devenir chien de traîneau. Une version relativement allégée du roman pour être avant tout accessible aux enfants. Mais en ces temps troublés, ne boudons pas nous non plus notre plaisir et accompagnons-les dans le périple de Buck vers les plaines enneigées et bordées de massifs montagneux du Yukon.
Faites-nous confiance, la lueur dans les yeux de Tsuyu ne saurait mentir: c’est en premier lieu ces panoramas qui l’ont séduite. Des paysages où chaque falaise, chaque arbre, chaque rivière devient le terrain de jeu d’une aventure dépaysante à souhait. Transportée d’un bout à l’autre, notre jeune complice était “à fond dedans” comme elle a si bien su nous le dire. Cette aventure, d’abord en traîneau pour aider Perrault (Omar Sy) et Françoise (Cara Gee) à distribuer le courrier dans les endroits les plus reculés du nord-ouest canadien, puis à pied (enfin à pattes) en compagnie de John Thornton (Harrison Ford) pour se rendre là où nulle carte n’a encore été dessinée, elle l’a vécue d’un bout à l’autre émerveillée par des décors tout nouveaux pour elle.
Il faut dire que le héros du film, le maladroit mais néanmoins très attachant Buck y est pour beaucoup. Comme souvent au cinéma, un personnage canin est l’assurance d’une cote de sympathie immédiate auprès des enfants. Si de notre regard d’adulte, le chien entièrement en images de synthèse et quelques effets spéciaux un peu bâclés empêche une immersion totale, Tsuyu n’a elle eu aucun mal à passer outre. Pour accompagner vos enfants, il faudra savoir adopter ce même regard innocent et ignorer ces petits défauts.
« La montagne, ça nous gagne »
Mais si c’est avant tout le molosse qui l’a marqué, elle a aussi su s’attacher aux personnages secondaires, bien humains eux. Particulièrement au personnage de Omar Sy, son préféré car probablement le plus sympathique, dont elle semble avoir apprécié le jeu d’acteur. Toute cette première partie de l’épopée, Tsuyu l’a vécue cramponnée au canapé, sursautant à chaque nouvelle péripétie. La progression de Buck, de simple chien d’attelage à leader du groupe, elle semble y avoir pris énormément de plaisir. Un émerveillement qui lui a permis de saisir l’importance du courrier, souvent le seul lien entre les aventuriers et leurs familles à cette époque de l’Histoire et dans des endroits aussi reculés. Assez naturellement, elle s’est mise à la place de ces autochtones pour qui une simple lettre équivaut à tout l’or du monde. Bien évidemment, le film étant taillé pour une cible des plus enfantine, cet axe du long-métrage est exposé assez clairement, mais encore faut-il capter l’attention d’une enfant de son âge, et cela, l’oeuvre y parvient aisément.
Assez logiquement, au moment où le film aborde sa deuxième moitié, celle où la mission de Perrault touche à sa fin et où la meute de chiens de traîneau est vendue à un homme cruel et cupide à l’excès, Tsuyu l’a entamée avec un peu de chagrin. Une vraie tristesse, mais saine, de celle que l’on éprouve au cinéma et qui nous aide à grandir. Il faut dire que ce protagoniste patibulaire est vraiment très marqué et qu’il a tout du méchant de film pour enfants. Même notre jeune complice a décelé son aspect caricatural à souhait, mais ne s’est pas braquée pour autant, là où nous adultes pouvons être un peu plus critiques devant tant de manichéisme. Avec cette sagesse de l’enfance qui nous fait parfois cruellement défaut, elle a préféré en tirer une leçon simple: ne pas maltraiter un animal, ni même un autre être humain. Un avis un peu forcé par le film, mais un message sage et bienveillant.
C’est d’autant plus pardonnable que le film ne s’attarde pas trop dessus, puisque le personnage de Harrison Ford vient bien vite à la rescousse de Buck pour le tirer des mains de son tortionnaire. L’occasion pour nous les adultes de constater que nous avons bien vieilli: celui qui incarnait l’essence même du “cool” pendant notre enfance, le seul et unique interprète des mythiques Han Solo et Indiana Jones, est apparu à Tsuyu comme un sympathique vieillard bien qu’un peu bourru. Les malheurs du temps qui passe. Cette ultime partie du récit, la plus dense sans aucun doute pour nous “les grands”, est peut-être celle qui a demandé de très légères touches de pédagogie. Il a été nécessaire de lui expliquer pourquoi cet homme qui avait perdu son fils avait choisi de venir s’exiler loin de tout le monde, emmuré dans son chagrin. Mais une fois ce petit détail de compréhension réglé, Tsuyu a compris que Buck aidait John Thornton à évoluer autant que l’homme aidait le chien. De quoi être requinqué et trouver un nouveau souffle lorsque l’humain et l’animal s’élancent ensemble pour accomplir le rêve du défunt fils: s’aventurer vers l’inconnu.
Toute cette portion du film est aussi celle de l’émancipation, celle où Buck va répondre au fameux “appel de la forêt”, symbolisé par un loup noir aux yeux brillants qui apparaissait déjà dans les moments les plus critiques du destin du chien. Un pur symbole métaphorique que Tsuyu a immédiatement compris comme tel. À mesure que le chien pousse de plus en plus loin ses explorations et se lie avec une meute de loups des forêts, c’est avec une joie douce-amer que notre Réfractrice Junior a accueilli cet ultime message. L’envie de Buck de retourner vers la vie sauvage de ces ancêtres, elle l’a compris, même si elle n’a pas pu s’empêcher d’être un peu triste pour ce bon vieux Harrison Ford. Une dualité des sentiments accentuée par la fin de l’aventure, mais qu’elle a aimé ressentir. Cette envie de communion finale avec la nature, elle a semblé l’assimiler facilement.
La note de Tsuyu:
“L’appel de la forêt” dans cette nouvelle version est un film vraiment taillé pour les plus jeunes, mais qui les fera passer par toute une galerie d’émotions sans marteler trop maladroitement son message. Pour les adultes, il faudra savoir fermer les yeux sur quelques partis pris de réalisation. Mais fichtre! Profitons de cette période tumultueuse pour faire ce voyage épique dans le Grand Nord avec eux, et à travers les yeux de l’enfant que nous étions, nous aussi, jadis.