Le plongeon

(The Swimmer)

1968

de: Frank Perry

avec: Burt LancasterJanet Landgard, Janice Rule

Hey vous! Ça vous dirait de voir Burt Lancaster et son sourire “Colgate”, en maillot de bain moule-bite pendant 1h30? Bon ok, dit comme ça, on a pas envie. Mais c’est pourtant la proposition de “Le plongeon”, sorti en 1968. Pour être moins synthétiques (et plus honnêtes), le film est l’histoire de Ned, un petit bourgeois d’une banlieue typique américaine. Au cours d’une visite chez des amis, il se lance un défi: regagner son propre domicile, mais en nageant dans chacune des innombrables piscines qui émaillent son chemin. Une longue distance qui est pour lui comme une rivière, qu’il nomme du nom de son épouse.

Bien, là encore, on vous sent réticents. Ce qu’il faut comprendre, c’est que chacun de ces arrêts dans les riches demeures de son voisinage sont l’occasion de le confronter avec des gens qui l’ont connu. Un à un, ils délimitent les contours d’un personnage et dresse un portrait par procuration de Ned. Fait étrange, tous ces personnages secondaires semblent éberlués devant certains propos de notre héros, comme s’ils détenaient une vérité qui échappe étrangement au protagoniste principal.

Bon on sait que vous êtes toujours sceptiques! En fait, cette “rivière” de piscine est symbolique, une métaphore de la vie de Ned, dont les diverses péripéties sont évoquées au fur et à mesure des dialogues. Chaque nouveau personnage apporte une nouvelle pierre à la construction du héros du récit. Voilà, on vous a mâché le travail!

Au jeu de la symbolique, “Le plongeon” n’est d’ailleurs pas en reste. La piscine en guise de métaphore de la bourgeoisie, tout spécialement à l’époque du film, c’est plutôt bien vu. Suivant son niveau de complexité ou sa taille, on comprend rapidement là où se placent les interlocuteurs sur l’échelle sociale. Quand d’ailleurs Ned arrive jusqu’à une maison où la piscine est vide, on comprend l’analogie de la pauvreté. Reste la nage en elle-même, de plus en plus difficile pour le personnage principal, qu’on a trouvée un peu facile en métaphore de la vie. 

Si vous nous suivez toujours, vous devriez avoir compris que pris au premier degré, “Le plongeon” reste relativement banal, voire grotesque. On a là un film-symbole, où chaque attitude et chaque échange sont là pour appuyer une idée nouvelle. D’ailleurs, bien qu’on l’ait un peu égratigné en début de critique, Burt Lancaster n’est pas mal choisi pour ce rôle. Il ne fait pas parti de nos acteurs favoris, mais dans ce contexte, son style cabotin et son physique soigné collent assez bien au personnage qu’il incarne.

« La petite maison dans la prairie »

N’en reste pas moins la réalisation qui avec les années a pris un peu de plomb dans l’aile: quelques tics de mise en scène étranges, comme la surutilisation de fondu à certains instants entre autres. On en arrive même une scène franchement malaisante où Burt Lancaster saute des obstacles équestres en rigolant aux éclats: kamoulox! On est pas complètement débile, et les obstacles sont ceux de la vie blablabla…D’accord, mais c’est tout de même limite hallucinatoire. À l’inverse, pour des raisons plus pragmatiques, on savoure bien plus les couleurs venant des pellicules de l’époque, cinéphiles de l’éternel que nous sommes. Autre bon point graphique: les décors. Ils pourraient sembler relativement convenus mais sont plutôt bien pensés, une fois de plus pour attester de la richesse des habitants des maisons où s’arrête Ned. Et puis il y a la musique: un excellent thème musical, qui varie légèrement en fonction des situations. Elle fait corps avec le film, à tel point que par instant on se demande qui influence l’autre entre le long-métrage et la symphonie qui l’accompagne.

De fond, “Le plongeon” en manque parfois un peu. Au début, cette confusion voulue intrigue, née des réactions étranges des personnages secondaires face à certains propos du héros. On tâtonne, on cherche un fil conducteur qui n’existe pas vraiment. Mais une fois le concept saisi et le portrait de ce petit salaud bourgeois derrière son sourire charmeur établi, certains creux scénaristiques apparaissent. Les arrêts autour de la piscine de ceux qu’il pense être des amis sont parfois trop tirés en longueur, et en manque de vrais enjeux. Disons-le plus clairement: il y a un point (variable selon le spectateur) où on commence à s’emmerder. C’est en général contrebalancé dans la scène suivante mais le mal est fait et “Le plongeon” a un caractère très légèrement chiant sur les bords.

Mais interrogez-vous comme Ned: que diraient vos amis de vous? Quel portrait dresseraient-ils? Si comme Burt Lancaster, vous baigniez dans cette bizarrerie ambiante, comme un spectre, assumeriez-vous vos torts? Cette situation, elle est impossible à vivre en réalité et elle confère donc un côté unique au film. Ned a d’énormes défauts: la vacuité de son existence, ses préoccupations futiles, son absence en temps que parent et son avarice aussi. Le long-métrage, c’est presque son procès moral. Ce côté-là de l’œuvre, pour peu qu’on la comprenne, il peut vous habiter de longs moments après ce film si singulier.

Voilà un film qu’on aurait tendance à réserver aux cinéphiles tellement son premier niveau de visionnage n’existe presque pas. “Le plongeon” est là pour ceux qui veulent se faire un peu péter les méninges en interprétations et en identifications. Pour Les Réfracteurs, c’est notre came, mais pour ceux qui sont davantage portés sur des films plus concrets, c’est probablement à écarter.

Nicolas Marquis

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La publication a un commentaire

  1. Celati Jean Louis

    Ce film est merveille7x en avance de 20 ans sur son époque je conseille à la jeune équipe que vous êtes visiblement de découvrir les films de burt lancaster cela vous évitera de l égratigner sans vous couvrir de ridicule au0res des anciens

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